Banques: perspectives d’avenir

Banques: perspectives d’avenir

Par: Daniel Essoo, CEO de la Mauritius Bankers Association 

Il était une fois, dans le bassin de l’océan Indien, une île située au carrefour entre l’Asie et l’Afrique, sur la route des navires européens. Petit à petit, se développèrent l’agriculture, le commerce et les industries. Au 19e siècle, les premières banques firent leur apparition, et devinrent rapidement le moteur de la croissance économique. Depuis, les banques se sont mises à la conquête de marchés régionaux, la digitalisation des services financiers, et plus récemment, à la finance durable. Aujourd’hui, Maurice s’affirme en tant que seul centre financier international africain avec le statut « Investment Grade ».

Il doit en grande partie ce statut au secteur bancaire, véritable pilier de notre économie, qui représente environ 8% de notre Produit intérieur brut, avec une croissance soutenue et une bonne profitabilité. Si les indicateurs sont bons, le secteur fait néanmoins face à des enjeux importants :

  1. Répondre aux attentes des clients sur le marché domestique

Autrefois, pour toute transaction, il fallait se rendre en succursale, parler à un banquier, et patienter. Aujourd’hui, dans un monde digitalisé, le client s’attend à pouvoir tout faire de chez soi. La solution réside, bien sûr, dans la digitalisation des services. Nous observons déjà de nombreuses applications mobiles, qui coexistent avec les succursales traditionnelles. Nous sommes en pleine transition digitale – certaines choses sont possibles en ligne, mais d’autres requièrent toujours des documents en papier. Certains clients préfèrent toujours parler à une personne physique, d’autres veulent la facilité. Les nouvelles technologies sont efficaces, mais demandent de nouvelles précautions (ne partagez pas votre mot de passe !). Comment réussir cette transition digitale ?

  1. Mieux jouer notre rôle sur le plan régional

Aujourd’hui, le secteur bancaire mauricien a largement dépassé les frontières nationales, et finance des projets à l’international. Notre centre financier possède des atouts, qui en font un acteur incontournable dans la région. Aujourd’hui, Maurice est au carrefour d’accords commerciaux entre les principaux blocs économiques du monde. Avec notre riche expérience, comment pouvons-nous attirer de nouveaux opérateurs internationaux et des trésoreries régionales, et apporter le financement pour le développement économique de la région ? Il s’agit de développer davantage ce segment clé de l’activité bancaire.

  1. Canaliser le financement durable

Avec les enjeux climatiques, l’activité bancaire se doit d’être durable. Les marchés que nos banques desservent – des économies émergentes – ont un besoin en financement, certes, mais sont également concernés par des impératifs de durabilité – que ce soit sur le plan de l’environnement, du développement social, ou de la gouvernance. Il existe à l’international des lignes de financement pour le développement durable. Avec une expérience de plus de 15 ans dans l’octroi de la finance durable, notamment à travers le projet SUNREF, comment pouvons-nous davantage canaliser le financement à Maurice et dans la région ? Les normes, les règlementations et les standards comptables sont toujours en cours d’élaboration, mais nos banques sont idéalement positionnées pour apporter ce financement durable. Il s’agit aussi de démystifier certains aspects – la finance durable n’est pas synonyme de financement à taux réduit. Il s’agit au contraire pour les banques de trouver des moyens d’aider leurs clients à faire les bons choix et à produire autrement, de manière plus durable. Le développement durable est l’affaire de tous.

  1. Maintenir l’attrait et la compétitivité de notre secteur bancaire mauricien

Dans un monde de plus en plus connecté, le défi principal pour notre secteur est de rester compétitif face à la concurrence. Pourquoi un client devrait-il utiliser une banque mauricienne ? Pourquoi une banque internationale devrait-elle opérer de Maurice ? Au cours des dernières années, de par le monde, les coûts ont augmenté. A titre d’exemple, les coûts de conformité, les investissements dans la technologie, les salaires, ont augmenté. Depuis le Covid, les impôts ont aussi augmenté de manière importante. Aujourd’hui, nos anciens concurrents grandissent, et de nouveaux concurrents émergent. Dans ce paysage qui change sans arrêt, comment définir notre spécifité ? Comment mieux servir les secteurs émergents ?

  1. Attirer, développer et retenir les talents

On ne peut parler de services sans parler de ressources humaines. Avec l’essor de nouvelles technologies, les métiers de la banque sont appelés à évoluer. Certains processus dépendront toujours de la créativité et du jugement humains.  Le secteur bancaire, comme d’autre secteurs, fait aujourd’hui face à un manque de talents. Les talents existants nécessitent des formations pour continuer à répondre aux besoins d’une industrie en mutation. Et certaines compétences ne se trouvent qu’en-dehors de nos frontières. Comme Maurice joue dans la cour des grands, il devient normal que nos talents s’expatrient, et que d’autres viennent apporter leurs compétences. Retenir des professionnels hautement mobiles et leur offrir un cadre de vie attrayant est, plus que jamais, une priorité.

Riche de deux siècles de présence sur notre territoire, le secteur bancaire poursuit son développement, et demeure la principale source de financement pour l’économie mauricienne. Il reste aussi le secteur avec le plus fort potentiel de croissance, dont la contribution au PIB peut augmenter de façon significative. Il s’agit de maintenir sa compétitivité internationale et un cadre propice à la croissance.

Article paru dans le Business Yearbook du 12 mars 2025 – Business Magazine